Couverture La Rencontre


Le cabinet des arts graphiques du musée Fabre, un concentré d’humanités

 la rencontre 115Castellan antoine-laurent (Montpellier, 1772 – Paris, 1838),
L’artiste sur le mont Ussy, vers 1819, plume et lavis d’encre brune, lavis gris, 19,5 cm x 14 cm,
musée Fabre, Montpellier, cliché F. Jaulmes

Riche désormais de près de 5000 feuilles, le cabinet des arts graphiques du musée Fabre doit sa qualité aux libéralités des grands donateurs de ce musée ainsi qu’à celles des artistes. François-Xavier Fabre le premier confirme l’importance fondamentale qu’il accorde, aussi bien dans l’étude que dans la pratique, de cette technique si diversifiée ; il constitue à travers ses donations un fonds initial de plus de 1000 feuilles, dessins et estampes confondus. Ce premier ensemble présente un penchant certain pour l’école italienne, dont la série exceptionnelle des Raphaël, un goût sûr pour le XVIIe siècle qui reflète celui de la collection de peintures, avec des Le Brun, La Hyre et Le Sueur, des amitiés solides avec ses maîtres tels que Vien, David, Pajou, enfin un bel aperçu du dessin néoclassique avec le propre fonds d’atelier de l’artiste ainsi que des feuilles de ses amis, souvent élèves de David.

Il se voit immédiatement conforté par les albums, comportant plus de 300 dessins, du second grand donateur montpelliérain du musée, Antoine Valedau, qui appréciait, là encore tout comme en peinture, les scènes de genre et de paysages mais également le mouvement romantique. Les plans du musée en 1837 donnent la dimension de ce premier noyau de collection qui se voit attribuer deux salles, soit la moitié de la superficie des galeries de sculpture ou de peinture. A l’époque, les dessins sont présentés par groupes de six à huit dans de grands cadres accrochés au mur.

Le legs concomitant du collectionneur de dessins François-Xavier Atget, à la bibliothèque de la faculté de médecine, confère à la ville de Montpellier un signe distinctif pour l’intérêt que l’on y porte aux dessins, et la collection du musée ne va cesser de s’enrichir tout au long du XIXe siècle, notamment entre 1860 et 1880, par deux legs majeurs des deux collectionneurs Jules Bonnet-Mel et Jules Canonge, qui viennent compléter les grandes orientations originelles, ainsi que celui, magistral, d’Alfred Bruyas qui fait entrer Eugène Delacroix, mais aussi Jean- Baptiste Millet ou encore Théodore Rousseau.

C’est à peu près à cette période que reprennent, sans plus jamais se démentir, les dons d’artistes eux-mêmes ou à travers leurs familles, ainsi Alexandre Cabanel, Pierre Puvis de Chavannes ou, plus récemment Henri Matisse, enfin de manière tout à fait contemporaine, Claude Viallat, Daniel Dezeuze, Vincent Bioulès, Alexandre Hollan… L’impossibilité de citer tous les artistes qui figurent dans cette collection montre l’intérêt commun des donateurs, artistes et conservateurs, tous attachés à préserver sa qualité à travers les époques, ainsi que son sens pour les générations futures, qui pose le dessin dans toutes ses formes, préparatoire ou abouti, comme le plus proche et sensible médium de l’artiste.

Aujourd’hui, les dessins ne sont plus exposés en permanence en raison de leur fragilité, désormais largement connue et étudiée, aux agressions notamment de la lumière. Conservés dans une réserve spécialement aménagée, et traités avec le plus grand soin au fur et à mesure de l’avancée de la recherche active dans ce domaine, ils sont présentés sur demande aux chercheurs ou à la faveur d’expositions temporaires, internes ou externes, afin d’en préciser et diffuser la connaissance. Ainsi, le musée Fabre présente tous les trois mois dans des cabinets à l’éclairage régulé une sélection monographique ou thématique de ses dessins : ce printemps met à l’honneur Antoine- Laurent Castellan, ami et contemporain de François- Xavier Fabre et dessinateur talentueux, avant de présenter l’été prochain les artistes méridionaux, à la faveur de la rétrospective Frédéric Bazille.

 

Florence Hudowicz